Voyage photo Lofoten, Senja et Lyngen - Retour de séjour
Petit flash-back sur ma saison hivernale en Norvège : entre février et mars 2023, j’ai passé quatre semaines entre les régions des Alpes de Lyngen, l’île de Senja et l’archipel des Lofoten. Après presque quinze années à guider de nombreux photographes dans ces régions scandinaves, au-delà du cercle polaire arctique, voici donc un bilan en mots et en images.
Photographie et météo, une relation tumultueuse
Si vous pratiquez la photo de paysage, vous avez vite appris que la météo joue un rôle crucial pour réaliser ce que nous considérons comme des images réussies. Même au plus bel endroit du monde, sous une lumière plate et sans ambiance, vous obtenez au mieux une carte postale, au pire un fichier à jeter à la corbeille! Et quand on s’amuse à faire de la photo dans le nord de la Norvège, il faut être un brin philosophe pour apprécier ce que la météo nous offre, et qui parfois ne correspond pas totalement aux conditions rêvées. Ainsi quand j’arrive dans les Alpes de Lyngen début février, je viens de rouler cinq longues journées, avec ma petite famille. Depuis notre Savoie, via la Suisse, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et un bout de Finlande, nous arrivons enfin dans notre maison, gracieusement prêtée par un couple d’amis norvégien. Ma femme et mes deux filles sont déjà venues jusqu’aux Lofoten, mais en été. Elles rêvent de voir enfin des aurores boréales! Alors cette année, on se lance dans cette aventure un peu folle : une semaine avant mon premier voyage photo, je vais essayer de leur faire découvrir les merveilleux paysages des Alpes de Lyngen. Mais voilà, une forte perturbation arrive plein sud, avec à la clé, une hausse notable des températures, qui restent quasiment toute la semaine entre 5 et 7° C. Sous les violentes bourrasques de vents, avec une pointe à plus de 120km/h, la pluie s’abat des jours durant sur la région. La neige fond à vue d’oeil, les journées encore très courtes se passent sous un ciel plombé par les nuages. Je désespère et j’ai beau étudier tous les plans B, les prévisions météo n’annoncent pas d’améliorations avant leur départ. Et évidement, le jour où je les conduis à Narvik pour qu’elles y prennent le train qui les ramènera 48h plus tard à la maison, le ciel commence à se dégager. Cette première soirée seul avant que mon groupe de photographes arrive, je jette un coup d’oeil par la fenêtre : plus un seul nuage, le ciel est complètement étoilé. Je sors sur le pas de la porte, observe l’horizon nord et bingo, les aurores boréales sont là! Quelle malchance pour ma famille!
Je rassemble ma motivation, m’équipe un peu et je file à deux ou trois kilomètres pour réaliser quelques photos, juste pour voir… À peine garé, je comprends que ces aurores sont spectaculaires. Des images aux couleurs improbables s’affichent sur l’écran de mon Canon R5 : j’ai rarement vu autant de rouge dans le ciel, avec le vert plus classique! Je suis dans un drôle d’état moralement, partagé entre l’excitation liée à ces prises de vues et la profonde déception de ne pas pouvoir partager ce moment avec mes proches. Mais c’est comme ça, la chance fait aussi partie de l’équation. Pour ma femme et mes deux filles : elles reviendront un jour…
Voyage photo dans les Alpes de Lyngen
Le surlendemain, j’accueille mon premier groupe de photographes de la saison. Ils sont impatients de découvrir la région et je ne résiste pas à leur montrer les magnifiques aurores boréales photographiées 48h plus tôt, ce qui augmente encore leur motivation! Cette semaine de voyage photo en Laponie norvégienne se déroule dans une météo bien plus favorable : le froid est revenu, avec de la neige fraiche pour saupoudrer les paysages de blanc immaculé. L’activité solaire reste assez importante, mais les aurores sont très instables, apparaissent puis disparaissent tout aussi rapidement. Il est parfois compliqué d’arriver à se placer au bon endroit au bon moment. Et plusieurs fois, je suis vraiment frustré, avec l’impression de n’avoir pas fait le meilleur choix. Mais là encore, chance ou hasard font partie du jeu et je me rassure en observant mon groupe qui est déjà bien heureux d’obtenir des images d’aurores boréales. En journée, nous complétons nos réalisations de photos de paysages, jouant avec la fine pellicule de glace de mer qui se forme dans les fjords alentour ou profitant d’une aube très froide au pied de l’Otertinden. Nous travaillons également sur le littoral des îles de Kvaløya et Senja pour immortaliser leurs paysages emblématiques au gré de poses lentes sur les mouvements des vagues. Nous profitons même de la présence de nombreux eiders à duvet et quelques harèldes boréales pour photographier ces gracieux canards non loin de Tromsø, capitale régionale de la Norvège du nord.
En fin de séjour, je reconduis un groupe visiblement satisfait à l’aéroport, avent de filer quelques centaines de kilomètres plus au sud pour la suite.
Voyage photo dans les Lofoten, session 1
Après déjà deux semaines à arpenter la région de Tromsø et des Alpes de Lyngen, me voilà maintenant pour cette nouvelle semaine de voyage photo dans les Lofoten, avec un nouveau groupe. Je récupère tout le monde à Evenes et le lendemain, nous traversons l’archipel pour nous installer dans notre belle maison. La neige est bien présente, le ciel laisse passer quelques rayons de soleil entre les nuages, l’ambiance est belle. Mais ça ne dure pas! Le vent de sud se remet en route et nous voilà repartis pour une semaine de temps perturbé, avec de la pluie… Heureusement il en faut plus pour abattre le moral d’un groupe de photographe et je sais que sous cette ambiance maussade, nous pouvons faire des photos exprimant toute la rigueur et l’âpreté des lieux. Après tout, les îles Lofoten sont peut-être devenues, en une décennie, une simple coche dans les destinations touristiques à la mode, il n’en reste pas moins que c’est un archipel battu par les vents et les tempêtes en hiver. Et par 68° de latitude nord, ça n’est pas rien! Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous profitons de cette météo difficile pour travailler nos images et traduire visuellement nos sensations. Il en ressort des photos à l’ambiance sombre, dans lesquels nous ressentons bien l’intensité des forces naturelles qui nous entourent!
Un des membres du groupe, Gilles, a une passion contagieuse pour les régions du grand sud. Il a travaillé dans les TAAF comme cartographe et ses récits de voyages sur de minuscules îlots australes sont fascinants (voir ici -> https://www.amaepf.fr/gilles-troispoux-voyage-taaf-2020-op4). Autant dire que si parfois nous choisissons de rester dans le confort cosy de notre maison, c’est pour mieux écouter Gilles. Et ceci nous permet de passer de très bons moments, même lorsque qu’une importante tempête géomagnétique frappe de plein fouet notre planète, mais que le ciel reste obstinément bouché! Nous savons que de superbes aurores boréales dansent au-dessus de cet « écran de fumée », nous apprenons qu’elles sont vues jusque dans le nord de la France. Et nous, nous ne verrons rien ou presque…
Heureusement, lors de notre dernière nuit à Evenes, au nord des Lofoten, le ciel se dégage enfin. Je jette un coup d’œil : elles sont là!! Je sonne l’alerte, envoie en ordre un peu dispersé le groupe en contrebas de l’hôtel, dans une clairière pas trop impactée par la pollution lumineuse de l’aéroport, très proche. Un peu dans l’urgence, chacun va enfin pouvoir photographier quelques aurores boréales, il était moins une… Le lendemain, nous rentrons en France.
Voyage photo dans les Lofoten, session 2
Deux semaines se sont écoulées. Depuis la France, je poursuis ma veille météo sur les îles Lofoten. Avoir une vision à long terme du temps qu’il a fait est un élément important de sécurité en hiver. Avoir dans un coin de sa tête un historique des chutes de neiges significatives, des coups de vents, des redoux ou des grands froids permet d’en savoir un peu plus sur la stabilité du manteau neigeux, ce qui peut-être décisif dans les choix de balades. Et devinez quoi? Depuis plus de 10 jours il fait grand beau et froid, il y a de la neige à profusion jusqu’en bord de mer! J’espère que ça va durer… Pour des raisons de disponibilité des vols, j’arrive un jour en avance sur le dernier groupe de l’hiver. Une cliente me devance de quelques heures. Alors que je suis en transit à Oslo, un ami suisse qui vadrouille depuis quelque temps en Norvège m’indique qu’il quitte la région de Tromsø, sous les nuages, pour se trouver un coin dégagé. Je vérifie les données solaires et les prédictions aurorales : une énorme tempête solaire nous arrive doit dessus ! Je me jette sur les prévisions météo et je pousse un ouf de soulagement quand je constate que le secteur entre Evenes et Narvik sera « the place to be » ce soir. J’indique un coin à mon ami, qui part en repérage en cette de journée. A mon arrivée, il fait déjà bien nuit. Je file à l’hôtel, retrouve à la hâte Claire qui est arrivée dans la journée. Vite s’équiper car la nuit va être glaciale, nous sautons dans le minibus pour rejoindre mon ami, qui m’a donné sa position précise. À peine garés, les aurores dansent au dessus de nos têtes. Nous chaussons les raquettes et retrouvons quelques minutes plus tard Guillaume, au milieu d’un vaste lac gelé. Plusieurs heures durant nous allons photographier, dans un froid intense, les aurores boréales les plus incroyables qu’il m’ait été donné de voir ! Hélas ces bons -20°C ont rapidement raison de la batterie de l’appareil photo de Claire. J’espère que ces conditions météo et solaires vont se poursuivre un peu car le groupe arrive demain seulement.
Le lendemain en fin de journée, l’équipe est au complet. Il y a quelques nuages, mais je suis confiant, on va trouver une fenêtre de tir. J’explique durant le repas les éléments techniques spécifiques à la photographie d’aurores boréales. L’excitation du groupe augmente. Durant la journée, j’ai pu repérer quelques coins propices et nous nous installons en bord de mer, au sud de l’aéroport d’Evenes. Il fait à peine nuit que déjà de longs rubans verts ondulent dans le ciel. Clic clic clic! Ça déclenche à tout va pour cette première soirée, juste dérangés par la lampe torche de jeunes militaires venus contrôler l’activité louche de ces drôles de zigotos trop proches de leur base. Durant ce voyage photo aux Lofoten nous allons enchainer les nuits claires et les aurores boréales pendant cinq jours ! Tant et si bien que certains dans le groupe finiront par rester tranquillement à la maison. Le groupe termine son séjour un peu sur les rotules, mais comblé. Pour être honnête, en journée, je me suis un peu ennuyé photographiquement : un ciel désespérément bleu, une lumière déjà forte, c’était beau à voir, mais voila qui ne m’inspirait guère. Finalement je préfère les cieux bien sombres et menaçants.
Insatisfaits perpétuels
Le bilan de cette saison hivernale de voyages photo en Norvège ? C’est que nous ne sommes jamais contents ! Il fait soit trop mauvais, soit trop beau, trop chaud, trop froid, bref jamais satisfaits… Mais avec un peu de recul, je me rends bien compte que les photos qui me marquent le plus dans les dizaines de milliers accumulées depuis toutes ces années, ce sont souvent celles prisent dans ces conditions complexes. Quand la météo est capricieuse, que les nuages jouent avec nos nerfs, quand le froid plante ses aiguilles dans nos doigts au bout de longues soirées sous les aurores boréales, c’est là que nous réalisons les photos qui restent, celles qui trouvent place dans nos portfolios et parfois même, tirées enfin sur un beau papier d’art.
En photographie de nature, le maitre mot reste l’adaptabilité, ou l’opportunisme peut-être? Savoir prendre ce que la nature nous donne, tirer parti de ce qui se passe plutôt que de s’enfermer dans des conditions rêvées qui n’arrivent pas… Utiliser notre bagage technique et créatif pour produire une photographie qui adresse à ceux qui l’observeront les émotions, les sensations, tout le ressenti vécu durant l’instant où nous étions là. Être là, conscients, seuls ou en petit groupe, face aux éléments, à une nature plus grande que nous, remis à notre place. Garder les yeux, curieux, grands ouverts pour imbiber notre processus créatif de l’ambiance des lieux.
En gardant cette posture ouverte, il n’y a finalement pas vraiment de mauvaises conditions météo. Il y a toujours moyen de trouver une manière de faire, un sujet, un angle et in fine de créer une photographie qui nous soit véritablement personnelle.
Retrouvez nos prochains voyages photo aurores boréales en Norvège :