Partir en Norvège par le train

Est-il possible de voyager jusqu’au nord de la Norvège, de manière plus responsable par rapport à l’environnement, en particulier du point du vue du dérèglement climatique? C’est une question que je me pose depuis quelques années déjà. Il aura fallu en premier lieu l’impulsion d’une de nos clientes, Lucile, qui m’a ouvert les yeux sur les possibilités offertes par le train: en septembre 2022, elle rejoignait notre petit groupe de photographes à l’aéroport d’Olso, venue vaillamment en train depuis la Suisse. J’avais été tenté de la suivre, puis face à la relative complexité du trajet, j’avais une fois de plus opté pour l’avion.

Pourquoi et comment réduire nos émissions de CO2?

Pour plusieurs de nos séjours photo, le changement climatique nous impacte déjà plus ou moins fortement. Jonathan ne sait plus comment s’y prendre avec son stage sur les amphibiens car l’Hérault ne reçoit plus les pluies d’avant et les mares où les amphibiens se reproduisent sont à sec. Voilà deux ans déjà que je n’ai pas de neige, en plein mois de janvier, pour mon stage de paysage dans les Bauges, et la même incertitude vaut pour l’Aubrac. Je ne sais plus trop quand prévoir mon stage orchidées car d’une année à l’autre les périodes de floraison varient bien plus qu’auparavant… Inutile d’allonger la liste, vous le savez aussi bien que moi, notre climat se dérègle et ceci impacte déjà nos vies. Nos émissions de CO2 sont les responsables de ce dérèglement. Pour chacun d’entre-nous, il est compliqué de réduire ce triste bilan car nos émissions de CO2 ont de multiples sources, plus ou moins difficilement compressibles. Mais ce n’est pas pour autant impossible et vous trouverez dans ce lien des tas de pistes à suivre -> https://rebellion.global/fr/blog. Rien que le choix de votre banque peut déjà avoir un impact, selon qu’elle investisse ou non vos fonds dans les énergies fossiles. En ce sens, nous avons choisi pour Un Œil sur la Nature d’avoir notre compte au Crédit Coopératif, qui est une banque très vertueuse sur ce point (évaluez votre banque ici -> https://bank.green/).

Bref, explorez ces liens et vous constaterez comme moi :

  1. que nos sources d’émissions de CO2 sont multiples (ce qui peut donner un peu le tournis au départ).
  2. mais que nos moyens pour les réduire sont également multiples (ce qui vous donne des leviers pour agir).

En ce qui concerne nos voyages en avion, cette émission de CO2, pour un loisir, devrait faire partie de celles qu’on peut (doit) envisager de réduire. Je ne vais pas vous dire que voyager est inutile, bien au contraire, c’est une ouverture au monde et à l’altérité qui me semble plus que jamais nécessaire. Mais est-il raisonnable aujourd’hui de monter dans un avion sans plus de questionnement? On peut choisir de voyager moins loin, ou moins souvent, ou plus longtemps, ou différemment.

Avec Un Œil sur la Nature, nous nous sommes engagés dès le début à favoriser les destinations proches pour limiter le recours à l’avion. Mais nous avons encore des destinations, comme la Norvège, où nous nous posons encore trop peu la question d’une alternative. Tout le monde ou presque arrive en avion sur les Lofoten et Tromsø. Est-il possible de faire autrement?

Le train est-il une alternative viable?

En février 2023, ma femme et mes deux filles tentent un retour de Narvik  jusqu’à Chambéry, après une petit séjour en famille dans la région de Tromsø, en Norvège. Après 9 changements de trains et 48h de trajet, elles arrivaient toutes les trois à destination, pari gagné! À mon tour de tenter l’aventure en mars 2024. À l’aller, je suis monté avec le minibus qui me permet de transporter les groupes. Quatre à cinq jours de route pour 3500 km. Même si le paysage est souvent sympa, c’est quand même fatiguant. Et puis seul dans le véhicule, mon bilan carbone n’est pas vraiment meilleur qu’en avion (si ce dernier est à peu près plein..) (voir ici un bon comparatif avion vs train -> https://bonpote.com/le-match-co2-train-vs-avion/).

Le train qui arrive le plus au nord en Norvège atteint Narvik, depuis la Suède. Et Narvik, c’est entre les Lofoten, Senja et les Alpes de Lyngen. Alors la gare de Narvik ne pourrait-elle pas devenir le point de départ ou de retour idéal de nos futurs voyages photo en Norvège?

Mon voyage retour s’est plutôt très bien déroulé, de Narvik en Norvège, jusqu’à Annecy en France, à travers la Suède, le Danemark, l’Allemagne et la Suisse. Un voyage qui retrouve un peu de parfum d’aventure et ce dès le départ, avec un train Narvik-Abisko ne pouvant circuler car un train de minerai de fer en provenance de Kiruna a déraillé quelques temps auparavant. Un bus de remplacement me conduit de façon très confortable et à travers des paysages magnifiques jusqu’à Abisko, où un train m’emmène jusqu’à Boden. Là en soirée je retrouve enfin le train de nuit initialement prévu pour redescendre jusqu’à Stockholm. Nuit confortable en wagon couchette, nous n’étions que deux pour six places, ça aide… J’avais prévu de passer la journée à Stockholm. Mais au matin, l’annonce du contrôleur indiquant que nous avons été arrêté cinq heures durant sur les voies pour un problème technique me surprend. Je ne me suis aperçu de rien dans mon sommeil! Au lieu d’arriver au matin, nous arrivons en tout début d’après-midi. Pour moi ce n’est pas très grave, mon prochain train est prévu en fin d’après-midi. Mon compagnon de wagon est un peu plus embêté, car il arrivera plus tard que prévu à Göteborg et va rater un match de hockey, mais rien de grave et il aura un autre train quoiqu’il arrive. L’aventure je vous dis… qui impose un peu de souplesse (mais qui n’a jamais eu de retard d’avion avec plantage de connexion?).

Après un peu d’attente à Stockholm, je monte dans mon second train de nuit, direction Hambourg en Allemagne, via le Danemark. Là, bémol pour le confort, notre cabine couchette pour six est complète et il n’y a pas assez de place pour nos bagages. C’est donc un peu en mode sardines que chacun trouve sa place et se couche. Finalement, je dors assez bien et si nous arrivons à Hambourg avec un peu de retard, j’ai tout de même le temps de prendre mon train suivant, qui doit me faire traverser l’Allemagne pour rejoindre la Suisse au niveau de Basel. Voyage très confortable dans un train tout neuf mais à moitié vide. Une fois en Suisse, la légendaire ponctualité des chemins de fer helvétiques n’est pas démentie et j’arriverai sans encombre à Annecy après un changement à Bienne puis à Genève.

Bilan : j’ai mis 48h pour parcourir le trajet Narvik – Annecy, donc deux journées et deux nuits, durant lesquelles j’ai pu dormir convenablement. Et dans les trains, j’avais presque à chaque fois accès à une prise 220v, me permettant d’utiliser aisément mon ordinateur pour travailler, trier mes photos, regarder un film, le tout confortablement assis, avec bien plus de place que dans un avion. Au niveau prix, avec un Pass Interrail, et avec les suppléments liés aux réservations obligatoires pour les wagons couchettes, c’est équivalent à un billet d’avion, ni plus ni moins. Et moi qui essaye d’éviter de voler depuis Paris (car il faudrait souvent y monter la veille), je dois souvent, soit à l’aller, soit au retour, fractionner mon voyage en avion sur deux jours avec une nuit à Copenhague ou Oslo. Donc le train ne me prend pas vraiment beaucoup plus de temps que l’avion. Enfin, comme on garde ses bagages avec soi en train, on est sûr de les avoir à l’arrivée, quand c’est toujours un peu l’angoisse en attendant sur les tapis des aéroports. Dernier point, ce trajet en train émet 90% moins de CO2 que le même trajet en avion ! Et ça c’est un gain énorme (source -> https://www.seat61.com/CO2flights.htm) !

Alors quels sont les points négatifs me direz-vous? Et bien, en premier lieu, il faut déjà comprendre le système du Pass Interrail, puis trouver comment faire pour sélectionner un enchainement de trains qui circulent vraiment et découvrir comment faire ses réservations de couchettes sans payer le plein tarif car on a déjà un pass Interrail. Ce n’est donc pas super pratique, voir labyrinthique, mais c’est faisable. Comme souvent, c’est la première fois que c’est le plus compliqué, ensuite, avec l’expérience, c’est plus simple. Second point négatif, si un train a du retard, ou si un train finalement ne roule pas, les compagnies différentes ne vont pas se mettre en quatre pour vous acheminer. En revanche, comme il y a beaucoup de trains qui circulent, il est assez simple de trouver des plans B. Et qui n’est jamais resté planté dans un aéroport pour diverses raisons, avec une compagnie aérienne pas très coopérative? Enfin, il faut quand même faire un peu attention à ses bagages, en particulier au sac photo : les vols dans les trains sont quand même plus courants que dans les avions.

Au cours de mes recherches pour sourcer les informations de cet article, j’ai découvers l’incroyable site internet https://www.seat61.com/. Mark Smith, l’homme derrière ce site, s’est donné la peine de compiler une quantité phénoménale de possibilité de voyage en train, avec des liens vers les sites des compagnies ferroviaires, des tarifs etc… Honnêtement ça donne juste envie de prendre le train!

Actuellement, je n’ose pas utiliser le train pour arriver sur le lieu du voyage photo. Ou alors il me faudrait prendre au moins 24h de marge pour être sûr de ne pas arriver après tout le groupe. Mais déjà faire le retour, ça serait vraiment bien, et ça diminuerai les émissions de carbone liées à mes voyages en Norvège de 45%!  Ça n’est quand même pas rien et ça vaut peut-être bien de passer un jour de plus dans des trains qu’un jour de moins serré dans un avion… A méditer !

Un commentaire

  1. Trop bien! Et très touchée, flattée voire honorée de me voir citée au titre de la petite étincelle… ! Ton expérience si bien racontée et documentée ici, recoupe presque en tous points la mienne! En effet, quand c’est possible il est préférable de prévoir un battement de 24h00 car on n’est jamais à l’abri d’un contre-temps! ça m’a été utile en revenant d’Ecosse en juin, mon Eurostar Londres-Paris ayant été supprimé! J’ai dû passer une nuit à Londres (aux frais d’Eurostar!), et suis donc arrivée finalement chez moi avec 12h00 de retard… mais à temps pour aller voter! (c’était le dimanche des législatives !). Même constat sur le train de nuit pour Hambourg (moi, je l’ai pris depuis Malmö, il me semble?); Y’a vraiment un blême sur l’ergonomie des cabines-couchettes! Blindées… et pas de place pour les bagages dès qu’on est 2! Si je me souviens bien c’est un NightJet de OBB? On doit aux autrichiens la relance des trains de nuit et on s’en félicite! Mais franchement, il faudrait vraiment que la compagnie se souvienne qu’elle transporte des voyageurs (donc, avec des bagages), et pas des cagettes de poires!! Si j’ai bien compris tu n’as pas eu de bol sur le trajet Narvick -Stockholm ? Parce que normalement c’est direct par le train de nuit! Merci pour cet article-témoignage très complet, sourcé et avec plein de liens intéressants! J’ai mis dans mes signets celui de seat61 que je ne connaissais pas mais qui peut être très utile! L’exemplarité que tu donnes par cet article en tant que professionnel du voyage est fondamentale! Rendez-vous en novembre pour les Orques… et un voyage de retour en train ensemble? (je comprend bien que pour l’aller pour toi, c’est compliqué!). Lucile

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